Lahnevoort, Gentil Harry Lahnevoort.

Le ciel était tout à coup orange. On l'avait inutilement transporté pendant son sommeil, en toute discrétion, dans cet espace étroit au ciel orange. Orange, quoi ! Gentil était enveloppé d'au moins trois couvertures, ajoutées au deux damars, tricot et polaire qu'il portait avant de s'endormir. Six épaisseurs, donc ; une chaleur étouffante, expliquée par le ciel orange immobile qui trônait au dessus de sa tête. Pas d'oiseaux, de soleil, de poteaux électriques, de nuages façon Toy Story, comme sur les murs de sa chambre. Que dalle. Un paysage orange avec pour bruit de fond, une sorte de crissement régulier, un frottement constant difficilement reconnaissable. Gentil avait mal à la tête, chaud, par dessus tout. Il fermait les yeux de temps à autres, les rouvrait après quelques secondes, et se réjouissait de voir apparaitre des taches noirs sur ce ciel qui virait au rose saumon. Bien. Chaleur, mal de tête, taches noires, troubles de la vue : la commotion approchait, et la mort, de ce fait. Légères secousses, comme au franchissement d'un trottoir, et nette diminution de la pression atmosphérique. Le jeune homme sentit ses oreilles se boucher, de manière excessive, et ses bras étant coincés sous les trois couvertures, et ne pouvant pas souffler en se bouchant le nez, dû rester ainsi un moment, à se tortiller comme une larve. Il se sentait réduit à cet état de dénuement tel celui du vers de terre, qui lui était connu, on peut le dire, vu ses heures passées dans le jardin à les sortir du sol. Gentil était cependant allongé sur le dos, pour en revenir à sa position de chenille, et ce serait bien endormi si toute cette manigance pour qu'il se croie fou ne l'intriguait pas tant. Ses yeux se baladaient à travers cette parcelle de ciel orange à taches noires, levait les yeux, les baissait, sans parvenir trouver ses pieds : son ventre, accompagné de ses six épaisseurs textiles, lui empêchaient de voir quoi que ce soit au delà de son menton. Le petit Lahnevoort soupira, continua de subir les innombrables mouvements de ce qui semblait être un véhicule, et qui le portait contre son gré, ligoté, martyrisé par des bourreaux invisibles. Sortit finalement un énorme « GOUZI GOUZIII ! » d'une tête géante qui s'apparentait à celle de sa mère, qui était soudainement apparue dans ce nouvel environnement. Alors cette conne était de mèche, la salope. Il prit le temps d’admirer le gros nez ingrat de sa chère maman, qui déjà, le répugnait. Y trouva quelques crottes, et poils qui dépassaient de manière peu agréable, eu envie de tendre le bras et de les lui retirer férocement, mais ne put pas, attaché comme il l’était.

Lahnevoort fils eu plus tard le doux plaisir de brûler la poussette à la capote orange. Celui de tuer sa mère, aussi. La première, parce qu'elle l'insupportait, et la deuxième pour la même raison. Parce qu'elles étaient laides, et qu'elles avaient la même odeur, celle de la lessive, qui le rendait littéralement fou. Il avait arraché les différentes parties de la poussette avec violence, avant d'y mettre le feu, ses prunelles brillantes de la lueur qui vacillait devant lui. Il eut l'envie de faire de même avec sa tendre génitrice, femme ayant avoué un jour qu'elle avait battu son mari jusqu'à ce que mort s'ensuive avec une cage à oiseaux, dans laquelle les oiseaux vivaient encore. La vider toute entière, voilà ce à quoi il aspirait, tandis qu'il fuisionnait avec son futon tout en se délectant des images d'Orange mécanique, son film préféré, sans conteste. Tripes et boyaux sur le plancher, il lècherait même le sang sur les lattes pour ensuite les rendre immaculées s'il le fallait. Et c'est ce qu'il fit, un affreux goût de lessive dans la gorge. Il n'avait pas de père, celui-ci avait eut l'idée géniale de fuir avant sa naissance, partant vivre avec les kangourous, mais lui laissant une dernière trace en l'appellant Gentil, songeant sans doute, mais à tord, que ce prénom allait justement être le principal trait de caractère de son rejeton. Tout le contraire se produisit, et comme une malédiction, Gentil devint l'antichrist. Il s'amusait souvent, après l'enterrement de sa mère qu'il avait organisé lui même, dans son jardin, en compagnie d'escargots, larves, et autres peluches de sa collection, à empayer les animaux, les rembourrants le plus souvent avec de la terre, mais aussi avec des pâtes, et tout ce qui lui tombait sous la main.Faute de trouver trop d'animaux dans Harrogate, à part chats et chiens du voisinage, fini par remplir les poupées de sa sœur avec la soupe de potiron servie tous les jours, dans le foyer dans lequel ils avaient été placés. Gentil eut tout de même la bonté d'épargner sa jeune sœur, Eleonore, trop adorablement chétive pour être torturée comme il l'avait fait pour leur mère. Non, Gentil avait un cœur, qui semblait bien apprécier la jeune fille, plutôt bien faite : fine, peau douce, longs cheveux fins, nez propre. Une déesse, en somme, à qui il voua un culte, après la mort de leur chère mère.

De ce culte naquit un amour effréné, de Gentil pour sa sœur. A sens unique, bien entendu, Eleonore était bien trop occupée par les jeunes hommes de son âge et sans lien de parenté. Des jeunes hommes fougueux sans être tarés comme l'était Gentil, qui continuait, même adulte, d'empailler toute chose qu'il voyait. Totalement épris d'amour pour son inaccessible sœur, il envisagea un jour de se reconvertir en moine bouddhiste, parti au Tibet, commença le rituel, qui demandait de méditer pendant trois ans, trois semaines, trois jours, etc. Au bout du deuxième jour, malheureusement, le pauvre jeune homme s'ennuya tant qu'il simula une crise cardiaque, et fut immédiatement rapatrié à Harrogate, où sa sœur l'attendait avec impatience, pour une fois. Elle le chouchouta longtemps, désarmé comme il l'était, perdu, au bord du gouffre. Un soir qu'elle prenait sa température, elle s'était penchée sur lui pour lui souhaiter une bonne nuit, la bouche de Gentil sembla déraper et il l'embrassa donc, comme il avait toujours rêvé de le faire. S'en suivit une heureuse nuit de baise entre le frère et sa sœur, et d'Eleonore se dégagea un sadisme encore méconnu. Ils essayèrent toutes les pièces de la petite maison de la jeune femme, jusqu'à se retrouver sur le porche de celle-ci, où ils se quittèrent finalement. Gentil parti tranquillement et ne la revit plus. Le cœur léger, il avait juste pris le temps de prendre avec lui une des vieilles poupées de sa sœur, qu'il remplirait bientôt de soupe, comme au bon vieux temps. Heureux désormais, il lui vint la curieuse envie de devenir prof, ce qu'il fit immédiatement (ou presque). Depuis, il se voue corps et âme à son métier, sans oublier son côté taré et sanguinaire, qu'il enseigne à ses élèves à travers les mathématiques appliquées.

Heureux évenement, cette naissance !

Bienvenue très cher x)