Val. Rosemary, you're such a bad child ! [Terminée]

"Oh ma chérie, je te le promets, tu vas te plaire à Everley. Ces petites bourgades pittoresques sont tellement charmantes. Il n'y a pas meilleur endroit pour se ressourcer."
Tels furent les mots de Susan Jane Baker dont l'intention était de prouver à sa fille qu'aller s'installer dans un trou paumé était une excellente idée. Confortablement installée dans son canapé Louis-quelque chose, elle lui adressait un sourire bienveillant. Proposer une bourgade pittoresque charmante à une adolescente de dix-sept ans dont les seules motivations se résument à boire, coucher et écouter de la musique trop fort ... Certaines personnes ne doutent de rien. La jeune Rosemary savait que les adultes étaient généralement totalement à côté de la plaque mais là, sa mère frôlait l'inconscience. Elle aurait pu, à ce moment-là, se mettre à crier, aller même jusqu'à faire quelque geste obscène à l'autorité parentale en signe de contestation. Ouais, elle aurait pu. Sauf que Rosemary avait toujours eu en horreur les clichés et l'idée qu'elle puisse un jour être cataloguée comme "ado rebelle" ne lui plaisait que moyennement. Enfin, fallait pas rêver, si ses parents l'abandonnaient dans un village désuet, c'était avant tout parce qu'elle était une ado rebelle.
"Rosemary, ça ne peut plus durer. Madame Kingstow nous a encore conté tes dernières mésaventures. Alors comme ça, tu crois malin de clamer sur tous les toits que j'ai des relations sexuelles régulières avec le chat ? Mais enfin à quoi pense-tu ? Nous avons, de par notre rang, une certaine réputation à tenir, tu ne peux pas la salir de la sorte ! Tu dépasses les bornes Rosemary, je vais en parler avec ton père et nous prendrons les mesures qui s'imposent."
Ouais en plus d'être à côté de ses pompes, Susan se prenait pour une aristocrate du XVIIIe. Rosemary la soupçonnait d'être sous acide vingt quatre heures sur vingt quatre. Bon, entendons-nous bien, l'histoire du chat, c'était la goutte qui avait fait déborder les vase. A tout ceci s'ajoutait les gardes à vues répétées, l'ivresse sur la voix publique avec attentat à la pudeur et autre farces des plus amusantes. Quelques jours plus tard, on lui faisait cette annonce des plus plaisantes. Elle quitterait Bristol et sa débauche délicieuse pour l'ennui mortel en campagne chez son cousin William, majeur et responsable, lui. On dit merci qui ? En guise de réaction, la jeune fille s'était contentée de hocher les épaules. Du moment qu'on l'autorisait à embarquer tous ses vinyles des Doors ... Et puis elle n'aurait plus à supporter les lubies de Susan, et ça c'était un très gros bonus.
Bref, on vous passera le détail ô combien ennuyeux des préparatifs, des "J'emmène la table basse ou j'en fais cadeau à tante Juliette ?". Seize jours plus tard, Rosemary faisait face à une vieille bâtisse, un tantinet snob, ses valises à la main. Son père avait insisté pour les porter mais ça allait, elle n'avait plus trois ans. Celui-ci s'était tout de même donné la peine de sonner, dans l'attente du fatidique "Bienvenue, entre, fais comme chez toi. Il y de la citronnade sur le buffet, là-bas à droite." La dernière fois qu'elle avait vu William, il avait sept ans et elle en avait trois, autant dire qu'elle n'avait aucun souvenir de lui. A qui devait-elle s'attendre ? Un type seul de vingt et un cloitré ici, c'était forcément un raté. La porte finit par s'ouvrir. Il est difficile de surprendre Rosemary. Pourtant, ce jour-là, William a relevé le défi. Elle l'avait imaginé boutonneux, avec des lunettes tout sauf hype, une voix aiguë et des fringues à chier. Il se révéla rapidement que William était beau. Et jeune. Et spirituel. Et drôle. Et ... Bref, Rosemary devait se répéter mentalement qu'il était son cousin et que son père était présent, histoire de ne pas commettre quelque acte inconsidéré. D'ailleurs, à la réflexion, ses parents étaient totalement dingues : comme si la pousser à l'inceste allait faire d'elle une gentille fille sage. Son père quitta les lieux en promettant qu'il s'agissait là d'une solution provisoire, et assuré qu'elle avait un bus pour se rendre au lycée d'à côté. Une fois la porte fermée, Rosemary comprit qu'elle n'allait pas s'ennuyer durant son séjour.

Et voilà que Rosemary a vingt et un passés. Elle s'imaginait dans un trois pièces à Londres et au lieu de ça ? La jolie brune partage une baraque à la taille insensée avec son cousin, de quatre ans son ainé, rapidement passé au statut de mentor. La vie s'écoulait tranquillement entre les trajets rébarbatifs jusqu'à l'université, les chamailleries pour la bouteille de scotch et les plaisanteries incestueuses, qui restaient d'ailleurs au stade de plaisanteries.
Le meurtre de Juliet, ils l'ont pris comme ils prennent la plupart des choses : avec intérêt d'abord puis avec nonchalance. William aura tout de même tenu à garder un oeil sur sa petite protégée.
Ah, la vie au grand air, c'est quand même quelque chose.